Mercredi
27 avril 1994
Mon
frère Pierre nous emmène, Viviane et moi, à l'aéroport de Roissy pour 4h45.
Nous
prenons un avion à 7h. Cet avion fait escale à Strasbourg, alors que nous provenons
de Strasbourg ! Mais on n’a pas eu le choix : départ obligatoire de
Paris…
Nous
atterrissons à 13h30 (heure locale) à l’aéroport de Larnaca, en République de CHYPRE.
A l’extrémité orientale de la Méditerranée , Chypre
est la dernière terre européenne. Au-delà commence l’Asie Mineure. Mais l’île
appartient géologiquement à l’Asie.
Turque pendant trois siècles, l’île est
occupée et administrée en 1878 par le Royaume-Uni. La Porte conserve néanmoins la
souveraineté légale sur l'île. En 1914, lors de l'entrée en guerre de la Turquie , le Royaume-Uni
annexe Chypre et en fait un protectorat, puis, en 1925, malgré le vœu des Grecs
de l'île, une colonie.
Elle est le terrain d'affrontements
incessants entre les milices chypriotes grecque et turque, ce qui conduira
l'ONU à envoyer un important contingent de Casques bleus sur l'île en mars
1964.
En 1974, en réponse à un coup d'État
fomenté par la Grèce
des colonels et destiné à rattacher l'île à la Grèce , la Turquie intervient militairement prenant pour
prétexte de protéger la minorité turque. Cette intervention militaire devait
rétablir l'ordre constitutionnel dans l'île. Au lieu de cela, et bien que le
coup d'Etat ait échoué en moins de dix jours, l'invasion turque est maintenue,
coupant l'île en deux.
Nous
rejoignons en taxi le centre ville de Larnaca,
à 6 km de
l’aéroport. Nous nous installons dans un hôtel réservé à l’avance pour la
première nuit.
Nous
allons ensuite nous promener à Larnaca. Les inscriptions en alphabet grec
voisinent avec l’anglais, ce qui ne pose pas trop de problème de compréhension,
contrairement à ce que j’avais connu en 1987 en Crête.
A
l’abri de hauts palmiers, la promenade du bord de mer nous conduit jusqu’au château
fort. Erigé par les Turcs en 1625, il abrite un petit musée sur les
fouilles entreprises sur le site de l’antique Kition. On grimpe sur la
terrasse : belle vue sur l’ancien quartier turc tout proche.
A
côté du château se dressent les minarets de la grande mosquée. Elle est aujourd’hui
désaffectée. Nous flânons dans les ruelles pittoresques de l’ancien quartier
turc.
Le
soir, nous dînons au bord de la mer, au pied du château turc, en terrasse du « Mégalos
Pefkos » l’une des tavernes qui s’alignent le long de la promenade :
délectables « mezze » arrosés d’un vin blanc local. Les « mezze » : suite de hors-d’œuvre qui à eux seuls
constituent un repas des plus copieux. Ils sont servis en petite quantité et
coupés en morceaux. Ils comportent au moins une quinzaine de plats : salade
de sésame, tarama (sauce aux œufs de poisson), salade d’aubergine, halloumi
(fromage cypriote), taboulé… Puis arrivent en vagues successives les plats
chauds : saucisses, filets de porc fumés, boulettes de viande et
brochettes.
Héritière d’une tradition séculaire,
c’est une coutume commune aux pays de la région (Grèce, Turquie, Liban,
Syrie).
La
nuit tombe. La soirée est douce, au bord de la Méditerranée que
parcourent bateaux de pêcheurs et yachts.
Jeudi
28 avril 1994
Sacs
à dos sur les épaules, nous gagnons la gare routière. L’autocar est bondé et se
prépare à partir - sans nous !
Toutefois,
on nous informe qu’un autre car - on ne sait pas pourquoi - doit faire le trajet
à vide vers Limassol. On nous autorise à y monter.
De
10h à 12h, nous allons faire le trajet seuls avec le chauffeur, de Larnaca à Limassol.
Agréable parcours de bord de mer.
Arrivés
à Limassol, nous faisons une balade
dans la ville, premier port de l’île depuis l’occupation de Famagouste. On se promène
dans les ruelles et quartiers commerçants de la vieille ville.
Nous
mangeons une salade en terrasse sur une place.
Après
cela, nous visitons le château de Limassol. La construction actuelle fut élevée au XIVe siècle par les
Lusignan au-dessus d’un château byzantin plus ancien. Nous accédons aux
terrasses, d’où l’on a une jolie vue sur les quartiers anciens et sur le port.
Le soleil cogne, la luminosité est aveuglante.
De
14h à 16h, nous prenons un autocar pour Paphos, sur la côte ouest de l’île.
Les
deux grandes cités de la côte sont reliées par une belle route asphaltée. Elle
emprunte la voie que suivaient les milliers de pèlerins qui, venus de tout le
monde antique, débarquaient à Nea Paphos et se dirigeaient en procession vers
le sanctuaire d’Aphrodite à Palaia Paphos, aujourd’hui Kouklia.
Nous longeons le site de Petra
Tou Romiou. Près de ces rochers, à
l’aube des temps, surgit une blanche apparition au creux d’une vague. Aphrodite, déesse de l’amour selon la
mythologie, naquit de l'écume des flots. Paysage enchanteur où est né le mythe éternel de la
naissance de Vénus, peinte par Botticelli.
Arrivés
à Paphos, nous nous installons dans
une « guesthouse » modeste, au premier étage d’un immeuble.
Libérés
de nos sacs à dos, nous sortons faire une balade dans la ville haute.
Guirlandes,
fleurs et œufs en papier ornent les squares et les rues. C’est la préparation
de la Pâque
orthodoxe, la fête religieuse la plus importante de Chypre.
On
passe devant la mosquée, témoignage de l’empreinte turque. Comme beaucoup
d’autres, elle est fermée.
Nous
prenons notre repas dans une taverne (ainsi qu'habituellement pendant toute la
semaine). On commence par un « ouzo », un apéritif à base d'anis,
d'alcool de grain, et d'herbes aromatiques, qui se boit allongé d’eau comme le
pastis.
Vendredi
29 avril 1994
Nous
passons la journée à Paphos : visite des sites archéologiques.
Nea Paphos, la ville ancienne, fut le
port aménagé au IVe siècle avant JC pour l’arrivée des
pèlerins du sanctuaire d’Aphrodite.
Ktima Paphos, la ville haute, fut un refuge pour les habitants qui
abandonnèrent le port ensablé devenant insalubre.
Descendant
la rue de l’apôtre Paul, nous nous dirigeons vers la ville basse. C’est à Paphos que débarquèrent saint Paul
et saint Barnabé qui convertirent au christianisme Sergius Paulus le
gouverneur romain.
A
l’entrée des catacombes de Sainte Solomoni, on rencontre un arbre dont
les branches sont couvertes de morceaux d’étoffe. Selon la tradition, l’arbre
est miraculeux et guérit de tous les maux. C’est pourquoi aujourd’hui encore
ceux qui en attendent un miracle y accrochent morceaux d’étoffe et mèches de
cheveux.
Les
catacombes sont un ensemble de grottes creusées à l’époque païenne et
transformées en chapelles aux premiers temps du christianisme.
Un
peu plus bas, au milieu d’un vaste champ de fouilles se dresse la charmante église
Chrissopolitissa, construite au XIIIe siècle. Tout autour, des
équipes d’archéologues s’emploient à dégager les vestiges d’une basilique
paléochrétienne édifiée au IVe siècle, c’est-à-dire pratiquement
contemporaine des dernières mosaïques païennes. Il s’agit du plus grand édifice chrétien de cette époque trouvé à ce jour. A côté de l’église se
trouve le Pilier de Saint Paul où selon la tradition l’apôtre aurait été
attaché puis flagellé.
Nous
gagnons le port, où se balancent
bateaux et barques de pêche au pied d'un vieux fort. Nous visitons tout
d’abord le Fort ottoman : détruit
au XVIe siècle par les Vénitiens, il fut reconstruit par les
Ottomans à la fin du XVIe, comme l’indique une inscription en
écriture arabe au-dessus de l’entrée. Depuis la terrasse, nous jouissons
d’une belle vue sur le vieux port au milieu duquel apparaissent les vestiges
de la digue antique.
Derrière
le port, on aperçoit les restes d’un château fort construit par les Francs
sur le site d’un château byzantin : les Quarante Colonnes, détruit en 1222
par un tremblement de terre.
Dans
l’après-midi, on se dirige vers l’ancien Odéon romain. On atteint ensuite les Mosaïques
de Paphos, sur le site de l’antique cité de Nea Paphos. C’est un ensemble
de mosaïques parmi les plus belles qui puissent se trouver dans le bassin
méditerranéen. Elles sont exceptionnelles. Exécutées
entre 325 et 350, elles trahissent les derniers feux du paganisme mourant, au
moment où le christianisme est déjà proclamé religion officielle de l’Empire.
Elles ont été découvertes fortuitement en 1962 lors de travaux de terrassement.
Les mosaïques recouvrent le sol et les murs de trois riches villas romaines (maison de Dionysos, maison de
Thésée, maison d’Aion).
Les
découvertes sont aujourd’hui abritées par une construction. Le site est payant.
Les mosaïques sont protégées du piétinement par du plexiglas et des pontons en
bois.
Remontant au nord de la ville, au bord d’une falaise
dominant la mer dans une végétation aride où paissent quelques chèvres, nous
allons visiter les tombeaux des Rois.
Une vaste
nécropole fut creusée à l’extérieur des murs de la cité antique au IIIe siècle avant JC, à l’époque ptolémaïque. Par
la suite, elle servit de refuge aux premiers chrétiens puis d’habitation à
l’époque médiévale. Cette nécropole abrite des tombeaux souterrains entièrement taillés dans
la roche.
Ces tombes ressemblent à de vastes palais ensevelis
avec de superbes colonnades. Les défunts n'étaient pas des rois mais ils
étaient issus de très riches familles.
De
retour en ville, après avoir mangé, nous nous rendons devant l’église pour 21h.
C’est la soirée du Vendredi saint orthodoxe. Jour de deuil. Les jeunes filles
fleurissent la représentation du tombeau du Christ, l’Epitaphion, que l’on
montre en procession la nuit venue. Une foule considérable attend devant
l’église. Nous participons à la procession dans les rues de la ville.
Samedi
30 avril 1994
Aujourd’hui
nous partons en excursion en autocar dans le massif du Troodhos. Nous avions
réservé hier soir des billets auprès d’un kiosque de tourisme.
Départ
à 8h.
Le
massif du Troodhos est le principal massif montagneux de l’île. Végétation
luxuriante et air vivifiant, qui fait parfois défaut dans les plaines
surchauffées.
Nous
faisons un arrêt programmé à Platrès, un
des principaux villages du massif, vers 10h. Le bus nous arrête comme il se
doit devant une boutique où l’on peut prendre une collation et acheter des
souvenirs ! Viviane et moi nous dirigeons vers l’église du village. A la
sortie de la messe, les fidèles partagent le pain selon la tradition orthodoxe
avec les passants. Nous y avons droit aussi.
L’autocar
se dirige vers le nord et atteint la vallée de Marathassa et ses trois
pittoresques villages. Pedhoulas, à 1067 m d’altitude en est le plus élevé. Cette
bourgade est célèbre dans l’île entière pour sa production de cerises.
Une
route nous mène au mont Kykko (1318 m ). C’est ici que
repose Monseigneur Makários, le père de l’indépendance de l’île. Sa tombe,
très simple, est creusée dans le roc, et la dalle de marbre noir qui la recouvre
est gardée en permanence par deux soldats.
Symboliquement,
l’archevêque veille à jamais sur le destin de son peuple. Du sommet, on a une
vue magnifique sur les paysages de l’île.
A 2 km de là, à 1500 m d’altitude, nous faisons halte au monastère de Kykko.
C’est l’un des plus riches monastères du
monde orthodoxe, tant par ses trésors accumulés que par la possession de
nombreux biens immobiliers dans l’île. Les bâtiments ont tous été reconstruits
aux XIXe et XXe siècles après le dernier incendie qui
détruisit le monastère en 1813. Les
fresques de l'église et les mosaïques à fond d'or (d'une exécution fruste) qui
ornent les murs des galeries couvertes bordant les cours intérieures datent
des années 1980-1985.
A
l’intérieur de l’église, l’icône de la Vierge de Saint Luc attire les pèlerins
orthodoxes du monde entier.
Au
retour, nous contournons les flancs du mont Olympe qui culmine à 1951 m et nous passons au
col de Troodhos.
Retour
à Platrès pour manger à 13h30, dans un restaurant pour les groupes de
touristes. Repas quelconque, comme il se doit.
Après
quoi, le bus descend vers la côte sud de l’île et rejoint la route de Limassol
à Paphos. On repasse devant les rochers de Petra Tou Romiou, lieu de la
naissance d’Aphrodite.
Nous
sommes de retour à Paphos dans l'après-midi (vers 17h).
Dimanche
1er mai 1994
Aujourd’hui,
nous louons une voiture pour la journée, que nous laisserons ce soir à Nicosie.
Il va falloir s’habituer à la conduite locale. Ici, on roule à gauche. Le volant
est donc à droite et le levier de vitesse à gauche. Ce qui n’est pas évident.
Pour corser le tout, les routes secondaires de l’île sont étroites et les
directions ne sont pas toujours indiquées en caractères latins.
Nous
quittons Paphos vers 8h30.
L’île
est riche de tous les arbres, arbustes et fleurs qui constituent le paysage
méditerranéen : oliviers, figuiers, citronniers, orangers, mandariniers
mais aussi l’« arbre national », le caroubier, gros arbre au
feuillage vert sombre et au bois très dur. Mais, par-dessus tout, la forêt
cypriote possède un arbre devenu précieux : le cèdre.
Par
de petites routes et des pistes d’accès difficile, nous nous rendons dans la vallée des Cèdres, proche de Kykko.
Dans ce sanctuaire naturel, quelques 30 000 cèdres aux couleurs
gris-vert-bleu argent et au parfum capiteux font de cette région un véritable
enchantement.
Nous
quittons la vallée et nous dirigeons sur les flancs du Troodhos. Nous
cherchons un endroit pour nous restaurer. Difficile ! Aujourd’hui, c’est la Pâque orthodoxe et tout est
fermé.
Nous
trouvons tout de même un petit bistro ouvert dans un village. Nous y mangeons
des salades. Viviane en est la seule femme. Exclusivement
masculines, les réunions dans les petits bistros jouent un rôle important dans
la vie sociale cypriote.
Après
quoi, nous traversons le massif du Troodhos. Il y a du brouillard en altitude.
Après
les derniers moutonnements du massif, apparaît Nicosie, au centre de la riche
plaine de la Mésorée.
Au
loin, on aperçoit une rangée de barbelés à travers les champs. C’est la ligne
de démarcation avec la zone turque occupée.
Vers
14h, nous arrivons à NICOSIE.
Nicosie partage avec Berlin le triste
privilège d’avoir été partagée en deux par le couperet de la guerre. Mais ici le mur
est toujours debout. Au nord, les Turcs ; au sud, les Grecs ; entre
les deux, les Casques bleus de l’ONU.
Chypre est divisée de facto en deux entités, séparées
entre elles par la Ligne verte, ou ligne Attila. Cette ligne est matérialisée par l'existence d'un
mur, semblable au mur de Berlin.
Nous
nous installons dans un petit hôtel, « City », sur Ledra Street,
l’artère commerçante au cœur de la vieille ville. Aujourd’hui, la ville est
morte. C’est le jour de Pâques et les commerces sont fermés. Depuis la fenêtre
de l’hôtel, on aperçoit, derrière la ligne de démarcation, un immense drapeau
turc dessiné sur les contreforts du massif du Pentadactylos, au nord de la ville, comme une provocation.
Après
nous être débarrassés de nos sacs à dos, nous profitons encore de la voiture
pour aller faire un tour à Athalassa forest , un parc
forestier national de 840 ha
au sud de la ville, à la végétation plantée par l’homme, avec des activités
récréatives.
Au
retour sous les remparts de la ville, nous allons déposer la voiture devant
l’agence Avis. Nous laissons les clefs à l’intérieur. C’était prévu. La
délinquance semble ici ne pas exister !
Le
soir, nous nous baladons à pied dans les ruelles de la vieille ville jusqu'à
19h.
L’ancienne Nicosie vénitienne est ceinte
dans un rond parfait de remparts intacts pourvus de onze bastions.
Quand
on se promène à Nicosie, on se heurte tôt ou tard à la ligne de
démarcation : rues coupées, barrages de fûts et de sacs de sable troués
de fenêtres de tir.
A
l’extrémité de Ledra Street, le mur… Frontière de béton. Quelques panneaux
informatifs sur la partition de Chypre et un échafaudage qui permet de
surveiller ce qui se passe de l’autre côté.
Après
cela, nous mangeons en ville, puis nous rentrons à l’hôtel. La nuit tombe sur
la rue déserte.
Lundi 2 mai 1994
Au
matin, Viviane et moi nous dirigeons vers la zone occupée.
A
9h45, nous passons à pied la ligne de démarcation devant l’ancien hôtel Ledra
Palace, le seul point de passage interzone de l’île.
Le
poste de police chypriote grec passé, s'ouvre alors un impressionnant « no
man's land », une zone tampon sous la surveillance de l'ONU. Sur la
gauche de la route, se dresse la silhouette fantomatique du Ledra Palace où
flotte le drapeau des Casques bleus. Celui qui fut l'un des plus beaux hôtels
de Nicosie garde sur sa façade criblée de balles les stigmates des combats de 1974.
Le bâtiment est aujourd'hui occupé par les Casques bleus. A droite, un
improbable terrain de football, sous la surveillance d'un mirador de l'ONU.
Encore
quelques pas, et le poste de police turc est en vue.
Dans leur guérite, des fonctionnaires turcs
apposent un tampon sur une feuille volante. Un quelconque visa sur le
passeport, et là aussi l’accès nous serait refusé par les chypriotes grecs.
Nous
entrons en zone occupée par la
Turquie , la
République turque du Nord de Chypre.
En
1983, la partie occupée de Chypre s’autoproclame République turque de Chypre du Nord ; mais, étant issue d'une
violation flagrante des règles de droit international, elle n'est pas reconnue
par le reste de la communauté internationale, à l'exception de la Turquie.
« Bienvenue
en République turque du Nord de Chypre » dit un panneau en anglais…
Le
contraste est saisissant. On passe brusquement de l’Europe à l’Asie.
En
ce lundi de Pâques où tout commerce est fermé dans la partie sud en République
de Chypre, on se retrouve ici dans une ville turque de province vivante et
animée.
En temps normal, c’est plutôt
l’inverse : au sud une capitale dynamique et trépidante, au nord une ville
provinciale plutôt assoupie.
Nous
pénétrons dans l’enceinte du centre-ville par la porte de Kyrénia, accès
nord de la muraille vénitienne, accueillis par une colossale statue de Mustapha Kemal.
Nous
allons à la Poste
changer de l’argent. La monnaie officielle ici est la livre turque
continentale. Mais la livre chypriote est également acceptée. Nous en profitons
pour acheter quelques timbres pour Serge. Ce doit être jour de solde
aujourd’hui. Les soldats turcs font la queue devant la banque pour retirer de
l’argent…
Nous
nous baladons jusqu'à 12h30 dans les quartiers de Nicosie occupée.
Petites
rues touristiques avec tables de restaurant en terrasse ; ruelles
commerçantes où l’on voit des soldats qui déambulent dans les rues main dans la
main, comme on a coutume de le faire en
Anatolie.
Dans
cette partie nord de Nicosie se trouvent les principaux édifices de l’époque
franque, dans des lacis de ruelles.
On
arrive devant la mosquée
Suleymanié (ancienne cathédrale Ste-Sophie).
Commencée
en 1209, la cathédrale ne fut achevée qu’au XIVe siècle. C’est là
qu’étaient sacrés rois de Chypre les princes de Lusignan. Pendant l’occupation
turque, à partir de 1570, elle fut transformée en mosquée et dépouillée de ses
vitraux et de sa statuaire. Les Ottomans encadrèrent la façade de deux hauts
minarets.
Malgré
les mutilations, Ste-Sophie demeure émouvante : un triple portail
gothique surmonté de deux minarets où flottent les drapeaux turc et
nord-chypriote. Ce dernier, blanc à croissant rouge, est l’envers du drapeau
turc.
Nous
nous déchaussons pour pénétrer à l’intérieur. Deux salles de prière occupent
l’espace. Le sol est recouvert de pierres tombales d’époque franque.
A
droite de Sainte-Sophie, se trouvent les ruines de l’église Saint-Nicolas-des-Anglais
dont l’accès est interdit au public. Etat pitoyable, mais belles arcatures
gothiques.
Nous
visitons ensuite le musée turc de Chypre, où l’histoire est
revisitée !
A
12h30, nous mangeons dans un petit restaurant local, installé juste sous le
mur.
Dans
l'après-midi, depuis la porte de Kyrenia, nous prenons un taxi qui nous mène
sur la côte nord. Ici aussi, on roule à gauche. On traverse par un col facile
la chaîne du Pentadactylos, une arête calcaire qui court parallèlement à la côte. On atteint Girne (Kyrénia), port de la côte nord.
En fin de semaine, les Nicosiens turcs
empruntent cette belle route pour venir dîner dans un des nombreux restaurants
du vieux port. Cette cité fut un port actif avant de devenir une paisible
bourgade de pêcheurs. Les Lusignan y avaient construit une superbe
forteresse-palais achevée par les Vénitiens.
Rendez-vous
est pris avec le chauffeur de taxi.
On
se balade dans la ville de 14h à 16h, et notamment autour du port. Pas mal de
touristes qui viennent essentiellement de Turquie continentale. Nous prenons un
verre face au port, dominé par d’antiques maisons vénitiennes.
A
16h, notre chauffeur de taxi est au rendez-vous. Pendant le trajet, nous lions
connaissance en mauvais anglais. Quand il apprend que nous étions à Paphos, il
en a les larmes aux yeux. Il est originaire de Paphos et n’y est pas retourné
depuis 20 ans. Comme quoi, l’épuration a joué des deux côtés…
Nous
arrivons à Nicosie. Le chauffeur nous laisse devant la ligne de démarcation à
16h30. Chemin en sens inverse de ce matin. Rien à déclarer, à part quelques
achats transportés dans un petit sac.
Nous rentrons en République de CHYPRE.
Nous
traversons la « zone morte », comme on l'appelle ici, un no man's land
avec ses maisons abandonnées, criblées d'impacts de balles et recouvertes d'une
végétation sauvage, comme si le temps s'était arrêté en 1974. La peinture s'écaille, les volets sont disjoints, les
portails de fer rouillent. Les rues désertes servent de parking.
Un
monument aux victimes de la guerre rappelle cet épisode de l'histoire de
Chypre.
Pour plus de 200 000 Chypriotes
grecs expulsés des territoires occupés, commença un terrible exode vers le sud
et l’installation dans des campements de fortune. Au cours des opérations,
mille six cents Chypriotes grecs ont disparu, sur le sort desquels la Turquie a toujours refusé
de donner la moindre indication.
Nous
rentrons tout d’abord à l’hôtel. Nous allons ensuite passer la soirée et manger
dans le quartier Laïki Yitonia, restauré en 1983. Rues étroites,
vieilles maisons, tavernes aux sympathiques terrasses…
Mardi
3 mai 1994
Le
matin, nous nous promenons dans Nicosie, devenue au fil des ans un centre
financier, politique et diplomatique important : larges avenues où se
pressent banques et magasins de luxe. Dans la vieille ville, Ledra Street accueille orfèvres, dinandiers, marchands de
tissus…
Une
imposante statue de Monseigneur Makários nous introduit dans le quartier de
l’archevêché où se situent le musée d’art byzantin, le musée d’art populaire
cypriote et le musée de la
Résistance.
Orangers,
bougainvillées, hibiscus…
Nous retournons flâner dans le quartier Laïki
Yitonia, contre les murs vénitiens, à l’ombre des arbres qui semblent surgir de
la pierre.
Vers
midi, nous mangeons à la terrasse d’une taverne sous les tonnelles en
fleurs : mezze, desserts orientaux, café grec (ici, on ne dit pas café
turc !).
Dans
l’après-midi, nous quittons Nicosie en bus pour rejoindre Larnaca.
Nous
nous installons dans un hôtel : un studio agréable et spacieux pour un
prix modique.
De
16h à 17h, nous nous rendons en taxi jusqu'au lac salé. Ce lac reçoit en
hiver le surplus des eaux de pluie. L’eau s’évapore de mai à juillet ; et
à la fin de ce mois la croûte atteint de 4 à 10 cm d’épaisseur. 35 tonnes de sel sont ainsi extraites
annuellement pour les besoins de l’île.
Derrière
le lac se profile une oasis de palmiers et de cyprès.
C’est
un bouquet de verdure d’où émergent le dôme et le minaret du monastère musulman
Tekké Hala Sultan. Il abrite la tombe de Umm Haram, une des
premières disciples du Prophète.
De
retour en ville, nous allons manger à la taverne Minos ,
connue pour ses viandes et poissons.
Mercredi
4 mai 1994
Nous
passons notre dernière matinée à Larnaca.
Nous
visitons le musée Piéridès, une très riche collection d’idoles,
poteries, amphores, figurines de terre cuite (de 2000 avant JC jusqu’à l’époque byzantine).
Nous
récupérons nos sacs à dos et patientons sur une place ombragée.
Vers
12h, nous nous rendons en taxi à l'aéroport.
Nous
décollons à 14h20. Comme à l’aller, nous transitons par Strasbourg de 17h30 à
19h (heure française).
Arrivée
à Paris à 20h : nous nous rendons en R.E.R. et en train de banlieue à
Ris-Orangis chez Patrice et Christiane pour 22h30.
*****
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